Georges de La Tour : un grand peintre mystérieux

Natixis vous invite à découvrir Georges de La Tour, peintre solitaire dont l’œuvre hypnotise autant qu’elle interroge.

Ses toiles étaient autrefois accrochées dans les appartements de Louis XIII et prisées par les plus hauts dignitaires du royaume. Puis elles furent dispersées, détruites, et parfois même attribuées à tort à d’autres peintres, dont Vermeer et Vélasquez - gage sans doute de leur qualité exceptionnelle. Pendant près de 300 ans, le nom de Georges de La Tour disparut des mémoires.

Pourtant, dans les années 1930, un patient travail d’experts aboutit à la redécouverte progressive de son génie : une première exposition au Musée de l’Orangerie en 1934 rassemble 13 tableaux, et certains poètes - dont René Char - lui vouent une admiration sans bornes.

Cinquante ans plus tard, c’est la consécration : une exposition au Grand Palais lui est dédiée en 1997. Elle attire plus d’un demi-million de visiteurs, un record pour un peintre ancien. 

Natixis vous invite à découvrir Georges de La Tour, peintre solitaire dont l’œuvre hypnotise autant qu’elle interroge.

D’une boulangerie lorraine à la cour parisienne

Georges de La Tour naît en 1593 à Vic-sur-Seille, en Lorraine. Il est le fils d’un boulanger aisé. Rien ne le prédestinait à être nommé « Peintre ordinaire du Roy » de Louis XIII, mais La Tour ne tardera pas à gravir les échelons. Son mariage avec Diane Le Nerf, issue d’une famille noble et fortunée, lui assure une place dans les cercles les plus en vue. Son talent est alors reconnu. Le roi, Richelieu et sa nièce, la duchesse d’Aiguillon, le surintendant des finances Claude de Bullion, et même Le Nôtre : tous possèdent une œuvre signée de sa main.

Son art séduit par sa différence. En 1623, Henri II de Lorraine lui commande une première toile, puis une seconde l’année suivante. Les années passent, sa renommée grandit, si bien qu’à partir de 1640, il réside au Louvre, sur invitation royale. La Tour, peintre de province, est devenu un homme de cour au nom incontournable à Paris.

Une flamme qui brille dans la nuit

Georges de La Tour - Le Fumeur (1646)
© Tokyo Fuji Art Museum Image
Archives / DNPartcom

La Tour, c’est d’abord une lumière, qu’il s’agisse de celle d’une chandelle, d’une lanterne ou d’un brasier ; un halo vacillant, comme en apesanteur, projetant des ombres énigmatiques sur des visages souvent impassibles. Ses toiles nocturnes baignent dans une pénombre feutrée, d’où émergent des gestes figés, des silences au cœur desquels les personnages semblent dialoguer.

S’il n’a pas inventé le clair-obscur, il se l’est approprié. Au début de son activité, il s’inspire du peintre Jacques Bellange. Très apprécié par les ducs lorrains, Bellange organise de somptueuses fêtes dans leurs palais, et ses tableaux font fureur : les détails complexes, les émotions et les modifications des proportions des corps qui semblent s’allonger de façon irréaliste en sont les principales caractéristiques. 

Progressivement, les goûts évoluent au profit du réalisme popularisé par Caravage, dont les émules sont nombreux en Europe, et l’on raconte que L’Annonciation du peintre italien aurait été offerte par le duc de Lorraine à la cathédrale primatiale de Nancy : La Tour l’aurait vue et elle aurait bouleversé son art. Il aurait également contemplé les œuvres caravagesques d’artistes nordiques ayant voyagé à Rome. Mais La Tour absorbe et dépasse toutes les influences, qu’elles soient relatives à l’art flamand ou à l’Espagne, afin de créer son propre style.

Une œuvre entre foi, douleur… et stratégie commerciale

Georges de La Tour - Les Joueurs de Dés (vers 1650-51)
© Preston Park Museum and Grounds
Photo : Simon Hill / Scirebröc

Dans ses scènes diurnes, s’illustrent des voleurs, des tricheurs, des mendiants, souvent masculins, ainsi que des diseuses de bonne aventure. Les nocturnes quant à elles figurent des sujets religieux sans ostentation, et transforment les scènes bibliques en méditations universelles, s’éloignant des scènes de genre plus brutales du caravagisme. 

Dans Le Nouveau-Né, deux femmes enveloppent un nourrisson dans une obscurité presque totale. La scène évoque la Nativité, ou bien la condition fragile de toute vie humaine. En observant avec attention Saint Sébastien soigné par Irène, on croit entendre les respirations, les chuchotements. Ce tableau, raconte le moine Dom Calmet dans l’un de ses ouvrages, était « d’un goût si parfait que le Roi fit ôter de sa chambre tous les autres tableaux pour n’y laisser que celui-là. »

Au cours de sa carrière, La Tour explore des sujets similaires à plusieurs années d’intervalle. Bien que solitaire, il est pourtant loin d’être un artiste en marge. Les scènes de genre sont très à la mode, elles lui assurent une clientèle fidèle, religieuse et bourgeoise. Il commence à enseigner la peinture à son fils Étienne. Les commandes sont nombreuses et les revenus confortables.

Le silence après la lumière

Georges de La Tour - Saint Philippe (vers 1625)
© Cadeau de Walter P. Chrysler, Jr.
Photo: Ed Pollard. Courtesy of the Chrysler Museum of Art

Puis l’oubli l’emporte. La Tour meurt en 1652, et son fils, peu après avoir repris l’activité de son père, renonce à la peinture. Son œuvre est dispersée et détruite au gré des pillages et des guerres. Pour ne rien arranger, ses tableaux ne sont pas tous signés, et certains les attribuent facilement à d’autres. Le Nouveau-Né, conservé aujourd’hui à Rennes, fut longtemps considéré comme une œuvre hollandaise. 

Il faut attendre le XIXe siècle pour que s’amorce timidement la redécouverte de l’artiste. En 1863, une première étude biographique mentionne enfin le peintre lorrain. Puis, dans les années 1920, certaines toiles réapparaissent en vente aux enchères, bien qu’elles soient souvent présentées comme hollandaises avant-gardistes ! Ce n’est qu’à partir de l'exposition de 1934 à 1935 que l’attribution de ses œuvres progresse, jusqu’à sa réhabilitation complète dans les années 1970.

Depuis, les expositions, rares et exceptionnelles, attirent un public fasciné, suspendu à la lumière douce et troublante de La Tour. À chaque présentation, quelque chose se révèle, imperceptiblement, sans jamais tout dire. En 2021, la toile Saint André atteint près de 5 millions d’euros lors d’une vente chez Christie’s : preuve que son œuvre, longtemps oubliée, connaît aujourd’hui un retentissement mondial. 

Ce succès, pourtant, ne dissipe pas les ombres, car autour de Georges de La Tour, le mystère persiste. Il attire comme un silence habité. Les poètes ne s’y sont pas trompés : René Char, parmi d’autres, a vu dans ses figures recueillies, ses veilleurs de nuit et ses Madeleine en prière, les éclats d’une vérité intime. Exposer ses œuvres, c’est faire dialoguer cette lumière secrète avec notre regard d’aujourd’hui - et se laisser toucher, en creux, par la beauté de ce qui échappe.

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Image 1 : Le Nouveau-Né, vers 1645 © Rennes, Musée des beaux-arts

Image 2 : Saint Philippe, vers 1625 © Gift of Walter P. Chrysler, Jr./Photo: Ed Pollard. Courtesy of the Chrysler Museum of Art

Image 3 : Les Joueurs de dés, vers 1650-1651 © Preston Park Museum and Grounds -Photograph by Simon Hill / Scirebröc

Image 4 : Le Fumeur, 1646 ©Tokyo Fuji Art Museum Image Archives/DNPartcom

Image de couverture : Georges de La Tour - The Newborn (c. 1645) © Rennes, Musée des beaux-arts

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