Le musée Jacquemart-André, un projet de passionnés

Le musée Jacquemart-André n'est pas un lieu figé, mais bien plutôt une demeure pensée pour accueillir, pour recevoir, pour partager la beauté...

Sur le boulevard Haussmann, le musée Jacquemart-André conserve toute l’atmosphère d’un lieu habité : on ne visite pas un musée figé, on pénètre une demeure pensée pour accueillir, pour recevoir, pour partager la beauté.

Car cet hôtel particulier n’est pas seulement un écrin pour une collection exceptionnelle : il porte l’empreinte vivante d’un couple - Édouard André et Nélie Jacquemart - réuni par un goût commun, profond, presque vital, pour la découverte des arts.

L’union improbable d’un banquier et d’une peintre 

Nélie Jacquemart et Edouard André
© Institut de France / Studio Sébert Photographes

Né en 1833 au sein d’une éminente famille bancaire, Édouard débute dans l’armée avant de se tourner vers la politique. Les André étaient des négociants visionnaires, qui investirent dans de grandes places financières européennes telles que Londres, Genève ou Paris.

Leur nom, à la Belle Époque, circule avec la même révérence que ceux des Rothschild ou des Laffitte. Pourtant, un autre domaine anime Édouard : l’art. Mécène passionné, il y investit une partie de sa fortune, collectionnant des toiles hollandaises du XVIIe siècle et des œuvres françaises du XVIIIe. Il devient président de l’Union centrale des arts décoratifs et rachète même la prestigieuse Gazette des beaux-arts.

Cornélie Jacquemart, quant à elle, est issue d’un milieu modeste et doit son ascension à Madame de Vatry, châtelaine à Chaalis, qui l’appelle affectueusement Nélie. Cette dernière repère son talent pour le dessin et lui fait suivre des cours auprès de Léon Cogniet, professeur aux Beaux-Arts. Le succès ne tarde pas : Nélie expose dès 22 ans dans les salons, accumule médailles et commandes, notamment dans un genre alors réservé aux hommes : le portrait masculin. 

Le destin les réunit en 1872 lorsque Édouard commande un portrait à la jeune peintre. Neuf ans plus tard, ils unissent leurs vies par le mariage. Nélie délaisse alors sa carrière pour se consacrer pleinement avec son mari à l'agrandissement de leur collection.

Des hôtes remarquables

Jardin d’hiver
© Culturespaces - Nicolas Héron

Dès sa construction, l’hôtel particulier qui deviendra un musée porte en lui l’empreinte de l’ambition et du raffinement. Le projet est confié à Henri Parent, qui avait été écarté de la construction de ce qui allait devenir le Palais Garnier. Pour l’architecte, il s’agit d’une opportunité unique de démontrer son talent. Cette maison n’est pas seulement un lieu de résidence : c’est un véritable écrin, un lieu où les réceptions sont conçues dans les moindres détails. 

L’hôtel particulier impressionne tant par son esthétique que par la disposition des pièces, des colonnades, des salons, qui sont conçus pour accueillir et faire circuler les invités avec une grande fluidité. L’un des salons en particulier attire les regards : celui dédié à la musique. Orné d’un plafond signé Pierre-Victor Galland, où Apollon trône parmi les muses, il abrite un orgue Cavaillé-Coll jusqu’en 1920, chef-d’œuvre de facture musicale sur lequel Édouard aime jouer. Le couple y organise des soirées dans le Paris intellectuel de la Belle Époque, et ils sont réputés pour leurs qualités d’hôtes.

Salon de musique
© Culturespaces - Thomas Garnier

On y croise de multiples compositeurs et musiciens phares tels que Jules Massenet, Reynaldo Hahn, Claude Debussy, Camille Saint-Saëns, et même l’organiste Marcel Dupré. Les concerts y sont fréquents, parfois religieux le matin, mondains le soir. La musique n’est pas un simple divertissement.

C’est un souffle qui fait battre le cœur de l’hôtel, et que Nélie entretiendra jusqu’à ses derniers jours. Émile Waldteufel, compositeur bien connu de l’époque, lui a même dédié sa célèbre Valse des Patineurs, une pièce dont la mélodie vous rappellera forcément de beaux souvenirs, et qui est aujourd’hui chaque année jouée lors du concert du Nouvel An de la Philharmonie de Vienne : un geste rare, qui dit l’estime dans laquelle Nélie était tenue, et tout l’intérêt qu’elle portait à la musique.

Un legs pour les siècles à venir

Salon des peintures
© Culturespaces - Christophe Recoura

En 1894, Édouard s’éteint. Nélie poursuit seule leur œuvre commune, enrichissant la collection, voyageant à travers le monde, acquérant sculptures, objets d’art, peintures anciennes. Passionnée et douée en affaires, elle est une véritable source d’inspiration, en particulier pour Béatrice de Rothschild. À sa mort, en 1912, elle lègue 1 200 œuvres à l’Institut de France. L’année suivante, le musée est ouvert au public sous l’égide du président Raymond Poincaré. Plus de 800 visiteurs se pressent dès le premier jour, preuve de l’écho suscité par cette aventure artistique hors du commun.

Aujourd’hui encore, dans la galerie supérieure du musée, l’orgue vibre sous les doigts d’organistes invités, les œuvres de Debussy, de Verdi, de Saint-Saëns et bien d’autres résonnent régulièrement, comme un hommage discret à cette histoire d’amour entre un banquier et une peintre, entre deux mondes réunis par l’amour des arts.

No items found.

Photo 1 : Nélie Jacquemart, Autoportrait, vers 1880, huile sur toile, Musée Jacquemart André, Paris - © Institut de France / Studio Sébert Photographes

Photo 2 : Nélie Jacquemart, Portrait d’Edouard André, 1872, huile sur toile, Musée Jacquemart-André, Paris - © Institut de France / Studio Sébert Photographes

Photo 3 : Nélie Jacquemart et Edouard André - © Institut de France / Studio Sébert Photographes

Photo 4 : Bibliothèque © Culturespaces / Thomas Garnier

Photo 5 : Galerie des Musiciens © Culturespaces / Sophie Lloyd

Photo 6 : Grand Salon © Culturespaces / Sophie Lloyd

Photo 7 : Jardin d’hiver © Culturespaces - Nicolas Héron

Photo 8 : Salon des peintures © Culturespaces - Christophe Recoura

Photo 9 : Salon de musique © Culturespaces - Thomas Garnier

Image de couverture : Façade du musée Jacquemart-André © Culturespaces - Nicolas Héron

Continuez avec un autre programme offert

Continue with another programme